On l’inspire et on l’expire au fur et à mesure de la marche. Notre petitesse est par moments effrayante. Un chemin étroit mène au pied de la Montagne Noire, si hostile qu’elle semble menacer de nous tomber dessus et de recouvrir nos corps d’un nuage de sable. La carte indique que le camping où l’on est censé dormir ce soir se trouve tout près, mais ces données sont difficiles à croire – autour, rien que des collines vertes balayés par le vent et qui s’étendent jusqu’à l’horizon. Mais la route doit bien mener quelque part, elle doit se terminer, du moins on y croit, et on arrive finalement avant la tombée de nuit au refuge. On descend, le sentier zigzaguant sur la colline : en bas, les bars et les hôtels nous paraissent comme des mirages. Des habitats humains, ici, au milieu de cette mer verte ? Jusqu’alors, la terre paraissait façonnée par le vent et la pluie, les hommes n’y faisaient que passer ; à la fin, je crois que c’est aussi le paysage qui gagne : le village de Kinlochleven, situé dans une vallée près d’un loch, pourrai facilement être avalé par les collines qui l’entourent. Les maisons ne sont que des points blancs qui tachent ce toile vert, découpé par-ci par-là par quelques sentiers qui mènent du blanc au vert, du vert au blanc, toujours menacés de disparaître si l’on ne prête pas assez attention.
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